J’ai toujours considéré la Toei comme un gigantesque incubateur de talents. Le studio produit en moyenne entre quatre et cinq épisodes par semaine, ce qui les force a avoir énormément de personnel pour les réaliser et permet de vite mettre des débutants à des postes important pour les former par la pratique. Les faits le prouvent, parmi les grands réalisateurs qui ont débuté ou se sont formés à la Toei on trouve Satô Jun-Ichi, Igarashi Takuya, Ikuhara Kunihiko, Rintarô, Yamauchi Shigeyasu, Takahata Isao, Hosoda Mamoru et Miyazaki Hayao. Excusez du peu.
Et je vous le dis haut et fort, le prochain nom à rejoindre cette liste est celui de Matsumoto Rie.
Cette jeune réalisatrice de 26 ans qui se revendique de Hosoda Mamoru et dont la carrière jusqu’à peu se résumait presque entièrement à du Pretty Cure (avec quelques très bons épisodes sur Fresh notamment) a crevé l’écran en octobre 2010 en réalisant le film de Heartcatch Precure!, véritable perle qui brille comme peu au sein de la méta-franchise de magical girls. Et depuis ce film je ne pense que du bien d’elle et est persuadé que d’ici 10 ans elle aura sa place chez les grands réalisateurs d’anime en devenir. Alors forcément l’annonce que sa réalisation suivante serait un anime original ne pouvait que m’enchanter, on allait enfin pouvoir mesurer concrètement l’étendue de son talent. Surtout que le pilote diffusé en juin dernier envoyait du très lourd. Le hype était à son comble, pour moi tout du moins.
Et depuis la semaine dernière, l’anime est enfin disponible gratuitement sur Youtube, Nico Nico Dôga et Bandai Channel (ce dernier ne diffuse pas à l’étranger, il faudra se contenter des deux autres) mais sans sous-titres.
Dans un Kyôto alternatif, Koto et ses deux frères combattent les forces du professeur Shôko afin de mettre la main sur le lapin blanc et de pouvoir rentrer chez eux. Si toutefois c’est possible…
L’anime s’ouvre sur un extrait du poème final de Through the Looking-Glass de Lewis Carol, le message est clair : l’œuvre qui va suivre n’est pas faite pour être perçue via le prisme du sens commun, bien au contraire : ça va partir dans tous les sens sans chercher à être logique.
Et les 5 premières minutes de l’anime font ça à merveille, tel un FLCL du 3e millénaire Kyôsôgiga nous offre un spectacle d’un dynamisme inouï. Ça bouge dans tous les sens, les formes se gonflent, se plient, se déforment constamment lors de cette course-poursuite dantesque dans les rues (et sur les toits) d’une sorte de cyber-Kyôto. Les couleurs pètent, il n’y a pas de temps mort et ça ne ressemble à rien de connu… Le pied de bout en bout. L’animation japonaise existe clairement pour donner naissance à des œuvres comme celle-là qui, pour reprendre les termes d’un ami, sont des anime plus anime que l’anime.
Puis arrive la suite, et là ça se gâte un peu. Bien sûr la réalisation reste impeccable, avec plein d’idées géniales de partout histoire de nous rappeler que les gimmicks de Shaft ne sont presque toujours que des cache-misères, le tout servi par un storyboard et des cadrages au poil. Certains plans ont des ambiances vraiment soignées, et l’animation n’est jamais à la traine. Tout le bien qu’on a pu penser de Matsumoto Rie se révèle juste.
Mais côté narration c’est la débâcle, comprendra qui pourra ce foutoir innommable qui part dans tous les sens. On comprend que le triumvirat veut rappeler Dame Koto dans ce Kyôto en utilisant Koto et que les deux Koto sont justement liées l’une à l’autre. Mais avec tout le monde qui passe son temps à s’affronter avant de comploter ensemble et comme certains personnages comme Hakuran (le jeune garçon au masque de renard) ne semblent être là que pour faire acte de présence, difficile de trouver un sens à tout cela, même en gardant en tête l’introduction qui nous incitait à laisser notre logique à l’entrée. Même la réalisation postmoderne/non cartésienne ne réussit pas à nous convaincre que c’est volontaire. J’ai déjà vu trois fois la chose, je serais bien incapable d’expliquer clairement ce qui s’y passe et pourquoi. À tel point que chaque fois qu’un personnage se demande ce qui se passe ou dit qu’il ne comprend rien j’y vois un méta-commentaire sur l’anime lui-même.
Et c’est là que se trouve fondamentalement le problème de cet ONA : son fantastique pilote se révèle finalement un anime plus appréciable. Surtout qu’une partie de ses meilleurs plans et sa fantastique BGM ne sont pas dans l’épisode final.
Si on en croit l’annonce à la fin de l’épisode, la suite devrait arriver en mars prochain, probablement sous la forme d’une série TV. Même s’il semble impossible que la Toei maintienne une telle qualité à la fois technique et de réalisation pendant environ 12 épisodes. Un film pourrait être plus intéressant artistiquement parlant, mais qui irait voir ça en salle tant on touche à un produit de niche. Et les OVA ne sont pas vraiment dans la culture du studio. En tout cas il faut espérer que cette fois les enjeux soient plus clairs, sous peine de voir Kyôsôgiga rester une anecdote aussi étincelante que brève dans le flot d’anime qui débarquent chaque année.
En attendant oubliez Redline qui passe son temps à regarder le passé dans le rétro ou bien Cencoroll et son pudding tout mou, l’anime qui nous vient tout droit du XXIIIe siècle par excellence est là et c’est Kyôsôgiga.
Kyôsôgiga est © Toei Animation/Kyôsôgiga Project
Une vraie bombe, je crois que tu as tout dit. Pour reprendre sur les réalisateurs, les grands noms féminins m’ont l’air rares, je me trompe ?
Pour les avoir cherchés depuis, des sous-titre anglais sont disponibles sur des sites peu recommandables. vais aps citer de noms, vous êtes bien assez grands pour ça.
Ceci dit, pour le scénario et les quelques explications nécessaires, des infos sont trouvables par là dans le premier commentaire : http://myanimelist.net/anime/10893/Kyousougiga
Pour les fansubs je fais confiance à mes lecteurs pour les trouver comme des grands. Même si les team ont décidé de s’amuser avec les O longs pour que « Kyousougiga » ne ramène rien.
Et puis le regarder sur youtube/nico² dôga ça fait des hits sur les compteurs et ça montrera à Toei et Banpresto que des gens veulent voir cette chose. On en est déjà à plus de 145 000 visionages sur les plateformes, plus y en aura mieux ça sera.
> »After this some really weird stuff occurs »
Heureusement qu’il est là, sans lui j’aurais pas fait gaffe.
Blague à part je pense que tout le monde a remarqué que c’est une réinterprétation sous acides de Through the Looking-Glass. Le vers « Life, what is it but a dream? » est très connu, y a les histoires de poursuite du lapin blanc, le non-anniversaire à la fin… Les éléments repris et corrigés pleuvent, et il y en avait encore plus dans le pilot (les échecs, Dame Koto appelée « Queen« …). Mais reste que malgré ça les enjeux de cette histoire sont tout sauf clairs et le coté bordélique semble plus subis que volontaire.
Tabris > Au poste de réalisatrice il y en a simplement pas. Mais j’ai confiance dans des réalisatrices comme Matsumoto Rie, Yamada Naoko (une fois qu’elle en aura fini pour de bon avec K-on!) ou Yamamoto Sayo (Michiko to Hachin, le prochain Lupin…) pour arriver a se faire des noms dans les prochaines années. Et je ne cache pas que parmi ces 3 Matsumoto est d’assez loin ma préférée, j’adore son film d’Heartcatch, elle se revendique d’Hosoda et plus simplement a été formée à la Toei, ce qui est à mes yeux une très bonne école.
« On s’en fiche de l’histoire, on veut de l’Animation ! »
J’ai trouvé ce que je vais regarder en bouffant mon petit-dej.
Merci Tetho
« coté narration c’est la débâcle »
Après Redline, encore une création absolument formelle, donc pas intéressante.
Les artistes ont de moins en moins de choses à dire on dirait.
Je sais qu’on va me trouver tatillon, mais j’ai un peu du mal à voir ce que l’anime a de particulièrement futuriste, surtout en sachant qu’il se base pour pas mal de ses éléments sur un truc qui a 150 ans.
Le talent de réalisation est là, c’est clair, mais pour ce qui est d’être révolutionnairement novateur, je ne vois que la suite logique des productions de Hosoda (et Murakami).
Après peut être que c’est moi qui en attend trop ; ou que l’époque où l’animation jp avançait plus par « à-coups », où l’on avait des titres qui marquaient et influençaient fortement l’industrie, puis d’autres qui suivaient en repompant, est bel et bien terminée au profit d’une évolution plus diffuse et continue.
En tout cas on ne peut que se réjouir de voir émerger de nouveaux noms, et les talents qui vont avec, surtout au vu des pertes que le milieu a subi ces derniers temps.
La remarque « anime du futur » concerne plus la forme. On a un anime visuellement sous acides, d’un dynamique incroyable et totalement vendu aux sakuga dorks, une mise en scène non conventionnelle et déstructurée… Ensuite ouais c’est pas particulièrement fututiste en soi, même si y a ces espèces de cuber-particules en suspension dans l’air ou les écrans de chargement ici et là.
Je dis pas que le truc est révolutionnaire non plus, c’est juste que ça ressemble à rien de connu, comme FLCL en son temps et que donc ça semble sortir de nul part, un peu comme Redline ou Cencoroll. Sétou.
« Surtout qu’une partie de ses meilleurs plans et sa fantastique BGM ne sont pas dans l’épisode final »
Elle réapparait de 21:45 à 22:40, enfin si c’est bien de celle là dont tu parles.
Par vraiment d’autre chose à dire à part merci pour m’avoir fait découvrir cette petite merveille, cette saison manquait justement de truc qui m’accrochait.
C’est pas tout à fait le même arrange si t’écoutes bien, c’est plus « doux » et moins nerveux que la version du pilot. Mais je ne perd pas espoir de l’entendre dans le prochain chapitre de la franchise.
[…] une animation colorée et dynamique, une réalisation très bien foutue et un fan de Precure qui nous dit que la dite réalisatrice sera l’une des prochaines grandes de l’animation japonaise. […]
Je sais qu’on va me trouver tatillon, mais j’ai un peu du mal à voir ce que l’anime a de particulièrement futuriste, surtout en sachant qu’il se base pour pas mal de ses éléments sur un truc qui a 150 ans.
Le talent de réalisation est là, c’est clair, mais pour ce qui est d’être révolutionnairement novateur, je ne vois que la suite logique des productions de Hosoda (et Murakami).
Après peut être que c’est moi qui en attend trop ; ou que l’époque où l’animation jp avançait plus par « à-coups », où l’on avait des titres qui marquaient et influençaient fortement l’industrie, puis d’autres qui suivaient en repompant, est bel et bien terminée au profit d’une évolution plus diffuse et continue.
En tout cas on ne peut que se réjouir de voir émerger de nouveaux noms, et les talents qui vont avec, surtout au vu des pertes que le milieu a subi ces derniers temps.