Durant les 6 derniers mois Hyôka aura été une démonstration de force de plus de la part de Kyôto Animation. Aussi bien sur la mise en scène que sur la partie technique, la série était impeccable, storyboards aux poil, animation soignée et pas un seul plan hors-modèle, un régal pour les yeux du début à la fin. Elle se permettait même quelques expérimentations réussies, notamment avec le film amateur du second arc, et avait des effets de focale très réussis. On pourra toujours pinailler en signalant qu’animer ce genre de personnages moe aux designs économes en lignes est autrement plus simple qu’animer un robot ou un dragon, mais reste que Kyoani est aujourd’hui le seul studio capable d’assurer un tel niveau de production avec une telle constance et une telle régularité.
Les scènes où Hôtarô fantasmait l’insistance de Eru étaient parmi les plus réussies de la série,
dommage qu’elles se fassent de plus en plus rare au fil de la série. Il y a là une évolution notable de la mise en scène.
Mais dans le fond Hyôka n’était qu’une histoire de club scolaire de plus, un type de récit que KyoAni maîtrise tellement qu’ils en ont presque fini par en faire un genre à part entière et qu’aujourd’hui une majorité des séries produites tombent dedans, au point qu’il finit par contaminer des genres qu’on pensait à l’abri comme le robot avec Rinne no Lagrange. C’est le genre typique d’histoire sans la moindre ampleur ni ambition qui annihile toute notion de récit au profit d’histoires de type tranche de vie centrées sur les personnages.
Et à ce niveau, encore une fois, la série s’en sort très bien avec un quatuor de héros attachants. De Hôtarô le paresseux à Mayaka la passionnée en passant par Eru et son insatiable curiosité, les vraies stars de la série, et le très détaché Satoshi, tous avaient leurs charmes et leur caractère bien différent rendait leurs interactions assez efficaces et plaisantes à suivre. Niveau personnages secondaires, c’était autrement plus pauvres, mais certains comme la froide Irisu arrivaient a briller lors de leurs apparitions.
Le film amateur du second arc est l’occasion idéale de voir à quel point
KyoAni a progressé depuis le premier épisode de Suzumiya Haruhi
Sauf que des personnages ne font pas tout et qu’ils ont beau conduire la série, il faut bien les occuper et c’est là que le bât blesse. Autant les 3 arcs principaux étaient réussis, intéressants et possédaient une vague notion de continuité via le fil rouge de la fête de lycée (mention spéciale à l’arc qui lui est dédié, ses intrigues parallèles qui se croisent et surtout son remake de la quête des objets de Zelda) autant les loners étaient bien plus irréguliers. Laissés à eux-même, les personnages tournent en rond et s’occupent comme ils peuvent avec des mystères qui feraient rire même les personnages de Gosick. Certains diront que le mystère en lui même n’est pas aussi important que les situations qu’il installe, mais comment ne pas crier à l’imposture devant l’épisode 6 et son prof de math qui s’est trompé de classe parce qu’il a confondu un a et un d minuscule… J’ai failli laisser tomber la série après cet épisode tant il m’a frustré.
Bien sûr, tous les loners ne sont pas mauvais, les trois qui sortent la série de son cadre scolaire (le 7, au ryôkan, le 20, et sa visite au temple pour le nouvel an, et le 22, et sa procession en costume) sont même réussis, et le 19 est un bon résumé des mécanismes de la série, servi par une touche d’auto-dérision bienvenue. Mais ils occupent quand même pas loin de la moitié de la série, et alors que ses meilleurs moments se situent entre les épisodes 8 et 17 (arcs du film amateur puis de la fête du lycée à la suite), elle se termine sur 5 loners assez inégaux. Dommage, il y a là une vraie maladresse dans la gestion du rythme de la série. Maladresse qui se retrouve dans le rythme des épisodes eux-mêmes : la série fait sauter quatre fois le générique de début (épisodes 3, 9, 12 & 21), trois fois le générique de fin (eps 1, 15 & 19) et deux fois les deux ensembles (épisodes 5 & 17), soit neuf épisodes sur vingt-et-un, et le plus souvent sans que le contenu de l’épisode le justifie.
Mais ce qui m’a le plus frappé dans Hyôka, c’est son ambiance pleine de mélancolie, ambiance renforcée par la mise en scène lente et posée. Le thème du regret est même une constante à travers la série, regrets de Sekitani Jun, trahis par ses camarades, regrets de Hongô Mayu et d’Irisu sur l’issue du tournage de leur film, regrets de Tanabe par rapport au fait que Kugayama n’ait jamais lu le scénario d’Anjô… Mais aussi les regrets de Satoshi et Mayaka sur leur drôle de relation, ceux de Satoshi face à ce Hôtarô avec qui il ne peut lutter et ceux d’Eru, regrets qui apparaissent dès la fin de l’épisode 5 : « Il est vrai que dans dix ans je ne me soucierai probablement plus de tout cela. Mais je refuse de croire que ces sentiments que je ressens en ce moment n’auront plus d’importance à mes yeux.« .
Serait-ce les regrets de ce qu’on laisse derrière soit en grandissant, les regrets propre à la réalisation de ce que l’on n’a pu accomplir quand on en avait la possibilité ? Je ne sais pas, mes années lycée sont loin derrière moi et les mécanismes défaillants propres à la mémoire humaine ont achevé de transformer tous les regrets que j’ai pu laisser en souvenirs aigres-doux. Mais nul doute que le motif central de Hyôka se trouve là.
J’en ai pas parlé mais la musique de Tanaka Kôhei, emprunte d’accords
Mais de mon côté, mon vrai regret lié à Hyôka est de voir Kyoto Animation continuer à produire des séries mineures comme celle-ci. En ce moment, alors que le studio jouit d’une situation unique au sein de l’industrie qui lui permet de produire des séries TV d’un tel niveau, il est dommage que ses ressources et que le talents de ses employés soient gâchés sur des animes qui seront portés aux nues par un public qui finira par les oublier dix-huit mois après le début de la diffusion. Quand était-ce la dernière fois que KyoAni a produit une série vraiment ambitieuse ? Ça remonte probablement à la première série TV de Suzumiya Haruhi no Yûutsu, ou peut-être Clannad en accordant plus de mérite qu’elle en a vraiment à cette impressionnante adaptation d’un visual novel en 50 épisodes. Mais depuis… Et qui sait combien de temps cette situation va durer, dans dix ans tout aura peut-être changé et alors il ne leur restera plus que leurs regrets et la mélancolie de ce qu’ils n’ont pu accomplir quand ils en avaient les moyens. Et rien ne semble parti pour changer dans l’immédiat, Chu-ni-byô demo Koi ga Shitai! semble totalement dans la continuité des productions récentes du studio.
Je partage également ce regret.
Dans Hyouka, j’ai d’abord été frappé par un certain nombre de reprise d’animation clef, de concepts et de plans utilisés Haruhi. Le tout étant optimisé bien entendu.
Ensuite j’ai perçu la qualité d’animation sur les autres scènes, qui est assez remarquable.
Et enfin je me suis royalement emmerdé sur l’intrigue des 5 épisodes que j’ai vu.
J’hésitais à essayer de la regarder pour son aspect purement technique mais ça ne me donne vraiment pas envie. La maîtrise technique ne fait pas tout s’il n’y a pas un minimum de fond.
Je suis donc tout aussi frustré, voire déprimé de voir à quel point ce studio gâche son temps et le talent de ses animateurs. Pour moi la série la plus ambitieuse faite par le studio depuis Haruhi est Nichijou, qui ose (wahou) se débarrasser un peu de la surcouche moe pour revenir au slice of life / yonkoma « pur » style Azumanga Daioh. Et cette série s’est pris une branlée, malgré une qualité de production tout aussi remarquable.
Mais peut être que nous ne cernons simplement pas bien les possibilités de KyoAni. Peut être que leur façon d’animer n’est adaptée qu’à ce style de série, aux patterns bien définis et délimités, et que leur qualité d’animation se casserait la gueule s’ils essayaient d’en sortir. Je ne sais pas.
On a un peu l’impression en tout cas que KyoAni évolue un peu en vase clos, un peu comme Ghibli, ayant son propre secteur et ayant de moins en moins de marge de manœuvre pour s’en extirper.
Effectivement, Hyouka est irréprochable d’un point de vue technique. Mais tout comme Kabu, l’intrigue m’a totalement laissé de marbre.
Mais le pire reste quand même les dialogues qui sonnent faux pour une bonne partie d’entre eux.
C’est quand même terrible de mettre une si bonne technique au profit d’un anime écrit avec les pieds.
Kabu > t’as des exemples clairs de ces reprises (lire « des comparaisons ») ? Parce que je n’ai rien remarqué, mais j’ai pas revu la première série de Haruhi depuis la rediffusion de 2009.
Et le problème de Nichijô> c’est de foutre des build-up super longs sur des gags nonsensiques très « ça passe ou ça casse ». Du coup quand ça casse tu t’es tapé une à deux minutes pour rien. Je préfère largement un Pani Poni Dash qui balançait entre 10 et 90 gags à la minute, mais au moins même si les trois quart se plantaient, tu te marres quand même de bout en bout.
Mais reste que Nichijô ça n’a aucune ambition ni aucune ampleur pour autant, c’est tout aussi anecdotique. A quand une nouvelle série Kyoani qui essaye un tant soit peu de s’opposer au monde, ou comme Haruhi de crier à l’univers entier « Je suis là ! » ? Ils en ont les moyens, il leur faut juste la volonté de le faire.
Tetho > Comme je le disais, il y a plusieurs niveaux de réutilisation dans Hyouka, de la plus visible, comme le dézoom sur le lycée dans l’opening qui fait clairement penser à l’ouverture de La Disparition de Haruhi Suzumiya, à la plus discrète, comme certains fragments d’animations (très courts) de l’attitude de Satoshi qui réutilisent celle faite pour Koizumi et Taniguchi dans Haruhi.
Certains plans, séquences ou cadrages sont soit identiques soit très inspirés soit mélangés.
Par exemple, la fin de l’épisode 1 de Hyouka, quand Satoshi et Hôtarô discutent en marchant reprend des plans de La Mélancolie de Haruhi Suzumiya VI (Kyon dans l’espace clos qui est surpris par le fait que Haruhi soit là) et Le Jour du Sagittaire (quand Koizumi et Kyon discutent en descendant la pente, les filles étant devant eux)
Ce sont des plans de quelques secondes qui sont englobés dans un reste d’animation originale (à proportion environ resp. 30/70) qui sauteront aux yeux de ceux qui comme moi ont une cinquantaine de visionnages de Haruhi dans les pattes, mais qui passeront peut être inaperçus pour tous les autres.
Note que cela n’est peut être pas exclusif à Haruhi et qu’il peut y en avoir d’autres. Certains passages m’ont aussi rappelé K-on! mais sans que j’y sois assez compétent pour les localiser.
Tout cela n’annihile pas le travail à réaliser sur la série mais allège une partie de ce boulot.
Exemple tout con : le placement de Hôtarô et Satoshi dans la salle de classe est strictement identique à celui de Haruhi et Kyon. Cela permet d’avoir déjà la configuration du décor de « pré-faite », même si celui-ci sera évidement retravaillé on ne repartira pas de zéro. Ça permet d’économiser là dessus pour mettre d’avantage l’accent sur autre chose.
Et cela peut expliquer, au moins en partie, comment ils arrivent à surclasser en qualité les autres studios avec un si grand écart.
Pour ce qui est de Nichijô, soyons clairs. Le fait que je le cite comme étant la série la plus ambitieuse du studio depuis Haruhi n’est absolument pas quelque chose de réjouissant. C’est même un constat plutôt déprimant. Car cette série n’a en effet rien de particulièrement ambitieux.
(50 visionages en 6 ans ? sérieux comment tu fais pour ne pas avoir envie de prendre les blu-ray et les balancer par la fenêtre ? Mais ça explique pourquoi on a du mal à te mobiliser sur les projets de nowël)
Sinon photo ou mytho, vraiment.
Parce que tu prends des plans assez bidons et classiques pour les porter en exemples censés frappants (30/70 c’est ÉNORME comme proportion). Le travelling arrière depuis la fenêtre du lycée est un bon exemple : le cadrage comme le mouvement n’a rien à voir, rien n’a été réutilisé, et surtout pas le modèle en 3D tout moche du Lycée du Nord indigne de Gogole Earth. On est très loin d’une vraie réutilisation d’animation en redessinant par dessus des plans existants.
Je crois au contraire que tes trop nombreux visionages d’Aroui font que tu vois des plans repompés là où il n’y en a pas, à moins que tu ne me prouve le contraire en images. Ensuite des similitudes de mise en scène ne sont pas étonnantes, après tout les deux séries et demi (+ le film) ont pas mal de staff en commun, à commencer par leur réalisateur. cqfd.
Si tu veux savoir comment Kyoani réussit a rendre un travail aussi soigné, regarde plutôt leurs chaines de productions, jamais sur plusieurs projets en même temps, par le fait qu’ils ne travaillent toujours avec la même poignée de sous-traitants, qu’ils évitent à leurs employés les situations de rush où forcément on multiplie les approximations et les raccourcis…
Parce que le placement de Satoshi et Hôtarô, à part si ils ont réutilisés directement de vieux layouts, ça ne change pas grand chose.
Ou tout simplement qu’ils sont tellement habitués à faire les mêmes choses qu’elles ressortent inconsciemment.
Nonobstant la récurrence du sujet de toute façon, ils avaient avoué en interview que ce genre de série était bien plus simples à mettre en place que quoi que ce soit d’autre (cute girls doing cute things, ya know) au niveau prod et réa.
Si c’est simple et que ça rapporte…
[…] cours desquels le narrateur commente l’absurdité du comportement de la fille. Ainsi, si dans Hyôka, Chitanda forçait Hôtarô à rejoindre le club de littérature classique, la parenté avec Haruhi […]